mercredi 22 octobre 2014

Jeux de mots et de lettres de A à Z (2)


Poursuivons notre petite incursion dans le monde des jeux de langue, jeux de mots et jeux de lettres.


L’anastrophe (n.f.)

Cette figure de style consiste à inverser l’ordre naturel ou habituel des mots d’un énoncé pour créer, en littérature, un effet de langue plus raffiné ou plus poétique.  
Par exemple, le groupe de musique québécois Noir Silence s’est servi d’une anastrophe pour former son nom. Voici d’autres exemples d’anastrophes :

        Immense est mon chagrin.
        Vivre un aveugle amour.
        Lentement s’éteindre.

* * *

 L’aphérèse (n.f.) et l’apocope (n.f.)

L’aphérèse et l’apocope sont toutes les deux un processus par lequel on fait chuter un ou plusieurs phonèmes d’un mot. Dans le cas de l’aphérèse, le phonème est retiré en début de mot tandis que l’apocope fait tomber la fin d’un mot.
Le mot ainsi transformé est une abréviation, mais devient parfois un néologisme qui passe dans l’usage et est plus utilisé.

aphérèse
apocope
Bastien (pour Sébastien)
Alex (pour Alexandre)
Colas (pour Nicolas)
Béa (pour Béatrice)
bus (pour omnibus)
auto (pour automobile)
car (pour autocar)
accro (pour accroché)
droïde (pour androïde)
prof (pour professeur)
Ricain (pour Américain)
petit-déj (pour petit-déjeuner)

catho (pour catholique)

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L’autotraduction (n.f.)
Une autotraduction est un mot qui, lorsqu’on le scinde en deux, donne la traduction du premier dans une autre langue. Les rédacteurs s’en servent en publicité ou pour créer des raisons sociales « bilingues ». Ils leur arrivent d’en changer la graphie aussi.
Ainsi, le mot français aubergine se décompose par [auberge] en français et [inn] en anglais. Merci [mer] et [sea] et Waterloo [water] et [l’eau] sont deux autres exemples. 

                                    Mare                   Sea                       Bow                    Cow
 
* * *

La boutade (n.f.)

Une boutade est un trait d’esprit, une plaisanterie originale qui fait souvent appel au paradoxe. L’humoriste français Coluche, expert de la boutade a un jour dit : « Y a-t-il une vie après la mort? Seulement Jésus pourrait répondre à cette question. Malheureusement il est mort. »

Une des fameuses boutades de l’auteur Eugène Ionesco se lit comme suit : « Seuls les mots comptent, tout le reste est bavardage! »

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Le cadavre exquis (n.m.)

Le cadavre exquis est tout d’abord un jeu littéraire inventé à Paris vers 1925 par les surréalistes. Le jeu consiste à faire composer par plusieurs personnes une phrase à tour de rôle sans qu’aucune d’elles ne puisse voir la collaboration des personnes précédentes. Ainsi, chaque personne écrit une partie d’une phrase dans l’ordre habituel sujet – verbe – complément.

La toute première phrase qui fut ainsi rédigée fut : « Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau ». Elle donna donc son nom au jeu.

Il n’y a eu qu’un pas à franchir entre la phrase et le roman. On a changé quelques règles au jeu en permettant à l’auteur à qui vient le tour d’écrire son chapitre d’un roman de lire les chapitres précédents. Le premier roman construit sur ce principe date de 1931. Il s’agit de L’Amiral flottant (The Floating Admiral) qui est l’œuvre de douze auteurs qui étaient tous membres de la même association d’auteurs britanniques de romans policiers, soit le Detection Club.

* * *

Le calembour (n.m.)

Il s’agit d’un jeu de mots qui consiste à utiliser un mot qui peut avoir deux sens et l’effet comique est provoqué par la double interprétation de la phrase dans laquelle il est utilisé.

 
Le serveur : C’est pour qui la bière?
Le client : C’est pour la mort! (bière signifie aussi cercueil)



Le calembour peut aussi se servir d’homonymes, soit des mots qui se prononcent de la même façon mais qui s’écrivent différemment. L’effet comique vient du fait qu’on écrit la forme qui ne convient pas dans le contexte.

Demandez nos exquis mots pour esquimaux.
Tous les matins, je me lève de bonheur pour de bonne heure. (cf. Jacques Prévert)
Entre deux mots, il faut choisir le moindre pour entre deux maux. (cf. Paul Valéry)


Enfin, certains calembouristes, comme Sol (Marc Favreau) le roi québécois du calembour, s’amusent à inventer des mots et des expressions. Ils remplacent ou suppriment un son dans un mot pour en évoquer un autre.
 
        L’odieux visuel
        Retour aux souches
        La francacophonie
        Je persifle et je singe

        Y a pas de feu sans fumée
        Les Œufs limpides
        Faut d’la fuite dans les idées.



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mardi 10 juin 2014

Jeux de mots et de lettres de A à Z (1)



Il existe toute sorte de jeux de mots et de lettres qui ajoutent du piquant à notre belle langue. De nombreux auteurs se sont attardés à répertorier et à regrouper contrepèteries, calembours, charades, rébus, faux proverbes, cadavres exquis, etc.

Je vous propose une petite visite – en quelques billets – dans le fascinant monde des jeux de mots, lesquels manipulent soit des vocables, des lettres, des sons ou des sonorités pour former d’autres mots, phrases, messages sous-entendus, souvent cocasses mais souvent  réfléchis aussi.

L’acrostiche (n.m.)

L’acrostiche est un poème dont les premières lettres de chacun des vers forment ensemble un nom de personne, un mot ou une phrase. Quand on découvre un nom, il s’agit souvent du nom de l’auteur ou de celui de la personne à qui le poème est adressé. Un mot ou une phrase constitue parfois un message inséré à l’insu de l’œil non averti.

Le poète Guillaume Apollinaire s’éprend de Marie Dubois en 1899, et lui dédie cet acrostiche, souvent cité en exemple :

Mon aimée adorée avant que je m’en aille,
Avant que notre amour, Maria, ne déraille,
Râle et meure, m’amie, une fois, une fois,
Il faut nous promener tous deux seuls dans les bois
Alors je m’en irai plein de bonheur, je crois.

À l’opposé de l’acrostiche, on trouve le téléstiche qui forme un mot ou une phrase à l’aide des lettres finales de chaque vers du poème. Il se lit généralement de bas en haut.

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L’allographe (n.m.)

Une suite de lettres qui n’a de sens que si elles sont prononcées l’une après l’autre. Par exemple,
COQP (c’est occupé)
NRJ (énergie)
RG ( Hergé) - le créateur des Aventures de Tintin, a choisi son pseudonyme « allographique » en utilisant les lettres inversées de son vrai nom, Georges Remi.

On trouve aussi des allographes qui combinent chiffres et lettres :
A1 2 C4 (à un de ces quatre)
4rine (Catherine)

La langue des affaires y a recours aussi avec :
B2B (business to business)
P2P (peer to peer)

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L’anacyclique (n.m.)

Un anacyclique est un mot ou une phrase qu’on peut lire à l’envers comme à l’endroit, mais qui a une signification différente selon le sens de la lecture. Voici quelques exemples :
nez – zen
saper – repas
nom – mon
Léon – Noël
écart – tracé
Luc – cul
Retapé – épater
Ados – soda

On parle de phrase anacyclique quand on obtient une phrase grammaticalement correcte, mais qui a un sens différent en inversant l’ordre des mots.
Les phrases « manger pour vivre » et « vivre pour manger » et « travailler pour vivre » et « vivre pour travailler » en sont des exemples.

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L’ambigramme (n.m.)

Il s’agit moins ici d’un jeu de mots et davantage de l’expression graphique d’un mot qui, lorsqu’on le regarde sous une certaine symétrie ou un certain angle, donne le même mot. C’est la capacité de l’œil humain à déchiffrer des caractères stylisés qui permet la lecture des ambigrammes. Des exemples récents se sont retrouvés dans le roman Anges et Démons de Dan Brown, où il était question d’illuminati. L’illusion d’optique créée par la graphie permet de lire à l’endroit comme à l’envers le même mot. 

 
 





 

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L’anagramme (n.f.)

L’anagramme est un mot obtenu par la permutation des lettres d’un autre mot. Voici quelques exemples :

grenat
garent – gérant – argent – gréant – régnât – ganter – Tanger – ragent
écran
nacre – ancre – crane – rance – carne
aimer
Marie – maire – ramie
étrange
gérante – argenté
baignade
badinage
chien
Chine – niche
migraine
imaginer

Les auteurs, pour se nommer eux-mêmes ou désigner des personnages, se servent couramment de l’anagramme. Ainsi, Marguerite Yourcenar est le nom de plume de Marguerite de Crayencour et Paul Verlaine se mettait en scène dans ses poèmes sous le nom de Pauvre Lélian. 


Le gentleman cambrioleur Arsène Lupin des romans 
de Maurice Leblanc, se sert des pseudonymes Prince Paul Sernine 
et Don Luis Perenna pour changer d'identité et fausser les pistes 
de ceux qui le recherchent. 




À suivre…




mercredi 12 mars 2014

Les cooccurrences… ne commencez jamais à écrire sans elles!


Souvent, en rédigeant une lettre, un rapport ou un document de quelque nature que ce soit, l’hésitation nous fait arrêter.  Quel verbe dois-je utiliser avec le mot collaboration? Quel adjectif décrit de façon précise cette collaboration?  

Notre premier réflexe est de se tourner vers le dictionnaire. Nous en ressortons ordinairement insatisfaits car l'exemple choisi pour illustrer le mot ne correspond pas à l'idée que nous voulions transmettre. Les cooccurrences, pour des raisons évidentes d'espace, ne s'y trouvent pas toutes.
 

En linguistique, une cooccurrence est la présence simultanée de deux ou plusieurs éléments dans un même discours. Ainsi, dans notre langage de tous les jours, il y a des mots que nous associons automatiquement à d’autres sans nous rendre compte que ce sont des cooccurrences. 

Par exemple, on dit semer la zizanie, vaincre sa timidité, relever un défi. On parle d'accommodement raisonnable et plus récemment d'un signe ostentatoire. Mais il arrive parfois que l'accouchement de ces verbes et ces adjectifs soit plus difficile qu'on le voudrait. C'est ici que le Dictionnaire des cooccurrences vient à la rescousse. Cet ouvrage existe depuis plusieurs années mais est plutôt méconnu des gens qui ne font pas un métier d'écriture ou ne sont pas appelés à rédiger souvent.


Pour revenir à la collaboration de mon exemple, le dictionnaire des cooccurrences me suggérera de l'entretenir, la maintenir ou la demander et elle pourra être active, étroite ou précieuse, etc.

Pour colliger ces cooccurrences, l’auteur du dictionnaire, Jacques Beauchesne, a lu, lu, et lu encore – crayon à la main – les œuvres des grands auteurs de la littérature française, des romanciers contemporains et de nombreuses revues dont la qualité de la langue est reconnue. Un véritable travail de bénédictin que tout le monde gagne à connaître. Tout d’abord en version papier, l’ouvrage est hébergé depuis un bon moment sur le site du Bureau de la traduction des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. 




Gros synonyme, cooccurrence douteuse...

Petite anecdote. Une enseignante de 5e année du primaire m’a un jour raconté qu’un de ses élèves avait rédigé un poème pour lequel la consigne était d’utiliser du vocabulaire enrichi. C’est ainsi que dans un poème, un gros nuage était devenu un nuage OBÈSE.  Hum… pas certaine que l’adjectif obèse et le substantif  nuage soient cooccurrents, mais je vérifie quand même : 
    

nuage


      beau, blanc, bleu, bleuâtre, clair, cotonneux, déchiré, doré,
      échevelé, effiloché, empourpré, épais, errant, fin, floconneux,
      grand, gris, gros, haut, immense, immobile, inoffensif, irisé,
      joufflu, laineux, laiteux, léger, lent, livide, lourd, mamelonné,
      menaçant, moutonné, nacré, noir, opalescent, opaque, orageux,
      pâle, petit, plat, pluvieux, pommelé, porteur de pluie, rapide,
      rond, rose, rougissant, roux, sombre, traînant, vaporeux, vaste,
      violacé; bas, élevés, rares.

      Chasser, dissiper, écarter, percer, regarder passer les ~s; 
      être chargé/couvert/enveloppé/environné /moutonné/ombragé/voilé de ~s.
      Des ~s bourgeonnent, courent (sur le ciel), couvrent (le ciel),
      crèvent, disparaissent, envahissent (le ciel), glissent, marbrent
      (le ciel), moutonnent (dans le ciel), obscurcissent (le ciel, le soleil),
      s’écartent (pour montrer le soleil), s’amassent, s’amoncellent,
      se déchiquettent, se défont, se déploient, se développent,
      se dispersent, se dissipent, se dissolvent, s’effilochent, se forment
      (en cumulus, etc.), s’effrangent, se fractionnent, se gonflent,
      s’enfuient, s’étirent, vont. 

C'est bien ce que je pensais, mais l'écriture poétique n'est-elle pas
justement libre de toute règle?

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mercredi 5 mars 2014

La publicité sur Facebook en presque français


Tout récemment, l’Office québécois de la langue française (OQLF) demandait à une commerçante de l’Outaouais de traduire la page Facebook de son entreprise puisque le contenu qui s’y trouvait était de nature publicitaire. 

Or, il appert que les articles de la Charte de la langue française traitant d’affichage public et de publicité doivent être respectés peu importe le support qu'on utilise (affiche, étiquette, site Web et même page Facebook…). Je l'ignorais.  C’est à la suite d’une plainte que l’OQLF a exigé que le commerce en question produise une version française de ladite page. 

Mais, de toute évidence, l'Office ne passe pas en revue toutes les publicités qu'on retrouve sur Facebook. Si vous avez une page personnelle, vous êtes probablement assaillis, comme moi, par cette colonne de publicités non sollicitées .  La qualité du français de certaines d’entre elles est un peu douteuse et  je sui praite à gajer ma chmise quelles on passer houtre le controlle de quallité de l'OQLF.

En voici quelques-unes qui ont attiré mon attention et que j'ai récupérées au fil des semaines :


J'éloge, tu éloges, elle éloge... sur les fruits anti gras.

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 La bible en ébénénisterie!

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 Un beau gros offre à installer?

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  Coup sur quoi, coup sur qui?

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 Hum... préfère mes rides finalement!

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 Même pas passé à un cheveu près...


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