jeudi 26 avril 2012

Mon meilleur ami est idiot--


En plus d’être d’excellents compagnons de vie, les animaux sont de bienveillants compagnons d’écriture. Les idiotismes animaliers (ne pas confondre avec idioties) existent dans plusieurs langues, et notamment en français et en anglais, pour illustrer une situation ou un comportement à l'aide de noms d’animaux.

Dans le jargon du linguiste, l’idiotisme – du latin idiotismus signifiant « langage courant » – est une tournure ou une locution propre à une langue qu’il est impossible de traduire littéralement dans une autre langue. La traduction mot à mot n’a généralement aucun sens. Ainsi, l’expression française Il pleut à boire debout correspond à l’idiotisme animalier anglais It rains cats and dogs.

Les idiotismes animaliers suivants réfèrent à des animaux différents d’une langue à l’autre pour décrire une même réalité.

Français
Anglais
Signification
Des bibittes dans la tête
Bats in the belfry
Avoir des problèmes psychologiques
Avoir un chat dans la gorge
To have a frog in the throat
Être enroué
Ne pas réveiller le chat qui dort
To let sleeping dogs lie
Ne pas ramener d’anciennes querelles
Être d’une humeur de chien
To be like a bear with a sore head
Être de très mauvaise humeur
Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine
Like a bull in a china shop
Être maladroit
Se jeter dans la gueule du loup
Jump into the lion’s den
Foncer sans réfléchir
Faire entrer le loup dans la bergerie
To put the cat among the pigeons
Introduire quelqu’un là où il peut être nuisible
Avoir un œil de lynx
To have eagle eyes
Bien voir
Faire mouche
Hit the bull’s-eye
Atteindre précisément son but
Écriture en pattes de mouche
Chicken scratch
Écriture petite et peu lisible ; gribouillage
Vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué
To count your chickens before they are hatched
Spéculer sur ce qu'on ne possède pas encore
Gai comme un pinson
Happy as a lark
Être très joyeux
Têtu comme une mule
Pig-headed
Être entêté
Avoir la chair de poule
To have goosebumps
Avoir froid
Être une poule mouillée
To be a scaredy-cat
Avoir peur; être lâche
Quand les poules auront des dents
When pigs have wings
Jamais
Myope comme une taupe
Blind as a bat
Aveugle; mal-voyant



Mais, il n’y a pas que les idiotismes animaliers pour enrichir les œuvres littéraires. En voici d’autres, dont les idiotismes 
botaniques : faire chou blanc (échouer); vieille branche (ancien ami)
chromatiques : être fleur bleue (sentimental); rire jaune (rire à contrecœur)
corporels : s’en mordre les doigts (regretter); sans queue ni tête (sans bon sens)
gastronomiques : peser sur le champignon (accélérer); mi-figue, mi-raisin (satisfait et mécontent)
numériques : treize à la douzaine (en grand nombre); la cinquième roue du carrosse (rôle secondaire)
toponymiques : châteaux en Espagne (rêves irréalisables); téléphone arabe : transmission confuse d’un message
vestimentaires : rire sous cape (rire clandestinement); avoir quelqu’un dans sa manche (à son service).

À noter que les récentes tournures : «…on leur donnera des emplois, de préférence dans le grand NORD… » dixit Jean Charest ainsi que « Le QUÉBEC deviendra, à terme, un pays indépendant » dixit Michael Ignatieff ne sont pas considérées comme des idiotismes toponymiques même si elles semblent avoir été prononcées par des gens, une fois de plus mal cités...







jeudi 19 avril 2012

Parlons homo




Maintenant que votre curiosité vous a amené sur cette page, vaut mieux spécifier qu'aucun débat homo-hétéro n’aura lieu ici. C’est l’homo d’homonyme, homophone et homographe qui m’intéresse.
 
Un homonyme, c’est donc un mot qui a la même prononciation (homophone) ou la même orthographe (homographe) qu’un autre, en ayant des sens différents.

Les -phones

Les homophones sont assez courants en français et je soupçonne que nos profs de français du secondaire s’amusaient à les parsemer dans nos dictées pour nous confondre. De mémoire, ça fonctionnait assez bien en général.  Quelques exemples.

·      Le saut qu’a fait le sot qui tient le seau portant le sceau du roi est très risqué.

·      Je sens que ces cent soldats feront couler le sang des sans-abris. Cette fois, c’en est trop, il s’en est fallu de peu pour que l’un d’eux meure.

·      Même si la chasse à la courre est interdite dans la cour du château, le fils du roi court néanmoins près du cours d’eau et emprunte le chemin le plus court avec son cheval et ses chiens.

Ce matin, dans la première partie de sa chronique,  Pierre Foglia nous invitait à considérer l’utilisation d’un nouvel homonyme…


Les -graphes

Mes préférés demeurent les homographes, et plus spécialement, ceux qui s’écrivent de la même façon mais se prononcent différemment. C’est à penser que ces « pièges » ont été clandestinement insérés dans notre langue pour la rendre si hermétique qu’aucun non-francophone ne puisse jamais la maîtriser entièrement…
 
Tout le monde connaît « Les poules du couvent couvent » mais faites lire à voix haute les phrases suivantes à un cousin américain…  La langue lui fourchera inévitablement à quelques reprises.

Mes fils ont décousu les fils de leur veste.
Ces chefs excellent à préparer un excellent repas.
Le cinéaste est content qu’elles lui content leur vie.
Nous ne rations jamais de bien mesurer les rations.
C’est pour leur parent qu’ils parent leur voiture.
Nous nous objections à toutes leurs objections.
Les embarcations affluent sur cet affluent du fleuve.
Le nouveau résident et sa femme résident dans mon quartier.
Nous portions les portions de nos enfants.
Quel acte violent que ces gens qui violent l’intimité d’autrui !
Cet homme est fier mais peut-on vraiment s’y fier ?
Autrefois, nous éditions toujours les meilleures éditions.
Il convient que ses parents convient tous ses frères et soeurs.
Ils expédient des lettres d’excuse ; quel bon expédient !
Ces hommes de grand talent talent leurs fruits avant de les manger.





lundi 9 avril 2012

Name dropping autour de la machine à café...


La guillotine, cet instrument qui servait littéralement à faire perdre la tête aux condamnés à mort, est une invention pensée par Joseph Ignace Guillotin, médecin et homme politique français. Ce dernier voulait alléger la souffrance inutile et rendre plus humaine (vraiment ?) et plus propre l’exécution des coupables de délits.

En effet, avant l’utilisation de la première guillotine en 1792, le condamné était soit décapité au sabre ou à la hache, écartelé, brûlé au bûcher, pendu ou bouilli vif dans un chaudron. Plutôt salissant, en effet ! En dépit des nombreuses protestations du sieur Guillotin, on utilisa son nom pour baptiser l’appareil en question. 


« Il y a des hommes malheureux. 
Christophe Colomb ne peut attacher son nom à sa découverte ; Guillotin ne peut détacher le sien de son invention. » - Victor Hugo

Toujours par souci de propreté, Eugène Poubelle, préfet de la Seine au 19e siècle, a consacré beaucoup d’énergie à améliorer l’hygiène de la ville de Paris. On donna son nom au contenant qui héberge impassiblement nos ordures et dont on ne saurait plus se passer. Le québécisme « pourriel » est formé des mots « poubelle » et « courriel » et désigne ce message indésirable et non sollicité qu’on laisse choir sans l’ouvrir dans la corbeille de l’ordinateur. Monsieur Poubelle était peut-être visionnaire, mais ce n’est pas certain qu’il ait prévu l’utilisation de son patronyme dans le cyberespace.

Un tout récent ouvrage vient de paraître sur les noms propres devenus noms communs. Son auteure, Christine Masuy, a recensé 44 mots issus du nom d’hommes et de femmes dans la Curieuse histoire des noms propres devenus communs. Utile pour découvrir l’origine du frisbee, du bottin, de la clémentine, de la pizza margherita, du violon d’Ingres, etc.  – et pour faire un peu de name dropping autour de la machine à café.


mercredi 4 avril 2012

Êtes-vous prêts pour la nouvelle attaque à main armée de voyage?




Quand une gamme de colorants capillaires offre la nuance brun de milieu (medium brown), qu’un fabricant de pelle annonce son nouveau revendeur de drogue de neige (snow pusher), qu’un distributeur d’articles pour voyageurs fait la promotion en ligne d’une nouvelle attaque à main armée de voyage (travel mug), ou encore qu’une entreprise de sondage nous demande de bien vouloir phoquer l’enveloppe (seal the envelope) avant de la retourner, on peut affirmer sans trop se tromper que leurs traducteurs ne manquent pas d’imagination.

Ces traductions qui a priori  font sourire causent néanmoins un malaise perceptible. Elles nous placent devant l’insouciance, pour ne pas dire l’arrogance, d'entreprises qui se fichent bien de proposer une communication de qualité à sa clientèle francophone. S’adresser à des clients potentiels dans un langage clair et précis est à mon sens le gage minimal du professionnalisme et du respect.

On se doute bien que les traductions ci-dessus ne soient pas l’œuvre de personnes qui maîtrisent bien le français.

Traduttore, traditore
Jamais cette fameuse expression italienne (Traduire, c'est trahir) n’aura été aussi actuelle que depuis l’avènement des sites de traduction en ligne offrant facilité + rapidité + (surtout) gratuité. À cette équation, manque cependant la qualité.

Plus souvent qu’autrement, la première question qu'on pose à un traducteur est :     « Combien de langues, parlez-vous? ».  La seconde lui demande comment traduire tel ou tel mot. Les traducteurs ne sont pas des dictionnaires. Les logiciels de traduction peuvent certes effectuer la partie facile de la traduction – c’est-à-dire le transfert linguistique – qui exige peu de compétences. Mais c’est dans la nuance, la teinte, la saveur des mots qu’intervient le traducteur. La machine ne remplace pas le discernement de l’esprit humain. Je vous en passe un papier. Ou comme me le propose un logiciel de traduction en ligne : « I you in past a paper. »  

D'autres petits délices à se mettre sous la dent :







Mixed Nuts / Écrous Mélangés


  


dimanche 1 avril 2012

April fish, fou d'avril



Petite histoire (de pêche) du poisson d’avril ?


Jusqu’en 1564, avril – du latin aprilis signifiant ouvrir – était le premier mois de l’année et la tradition était déjà de s’offrir des cadeaux pour souligner l’arrivée du Nouvel An. La courte histoire veut que ce soit Charles IX de France qui ait décidé que l’année suivante allait commencer le 1er janvier. Décision qui fut officialisée par le pape Grégoire XIII en 1582, d’où tire le nom de notre calendrier actuel ; le calendrier grégorien. Entre ces deux dates, il semblerait qu’un peu de confusion régnait au royaume sur le début officiel de l’année et plusieurs continuaient donc d’échanger des étrennes le 1er avril.

Il n’en fallut pas plus pour que les moqueurs de l’époque sautent sur l’occasion de ridiculiser ces « inadaptés du calendrier ».  On leur offrait donc de faux cadeaux et on s’amusait à leur jouer des tours.  Comme le 1er avril marquait la fin du carême chez les chrétiens, les cadeaux étaient souvent de nature alimentaire. Ainsi, parmi les offrandes les plus populaires, on retrouvait les faux poissons. Ce qui aurait donné naissance au poisson d’avril ou jour des nigauds ou des fous (April fool).

Le poisson d’avril que les enfants s’amusent encore à accrocher au dos de leurs victimes tirerait son origine d’une toute autre époque. À la fin du 11e siècle, un évêque français aurait interdit la pêche entre le 1er avril et le 30 juin pour permettre aux alevins de se reproduire aisément. Tout délinquant qui se faisait pincer à pêcher pendant cette période était exposé sur la place publique trois dimanches d’affilée avec un poisson en papier accroché au dos et à la poitrine.  Plus récemment, ce sont souvent les médias partout dans le monde qui se plaisent à annoncer de fausses nouvelles le 1er avril.

D’une langue à une autre, le poisson et the fish changent souvent d’espèce animale, quand ils ne sont pas carrément dénaturés. 
Muet comme une carpe
Quiet as a mouse
Il y a anguille sous roche
There is something in the wind
Engueuler quelqu’un comme du poisson pourri
To call somebody every name under the sun
Noyer le poisson
To beat around the bush


To have other fish to fry
Avoir d’autres chats à fouetter
It sounds fishy
Cela semble louche
To fish for compliments
Rechercher les compliments
Holy mackerel!
Ben ça, alors !
Red herring
Fausse piste, diversion
To live in a fish bowl
Être au vu et au su de tout le monde
To drink like a fish
Boire comme un trou
It’s a different kettle of fish
C’est une autre paire de manches
There are plenty more fish in the sea
Un de perdu, dix de retrouvés