lundi 17 décembre 2012

Sans le A – l’anti-abécédaire


Nous avons tous et toutes commencé à apprendre l’alphabet dès nos premiers jours de fréquentation scolaire. Aujourd'hui, les tout petits commencent parfois même cet apprentissage en garderie. Que ce soit avec la ronde des voyelles – pour ma génération – ou avec des pictogrammes colorés chez mes contemporains, nous apprenions à lire et écrire des mots en associant des phonèmes. Au fil du temps, nous avons juxtaposé lettre après lettre après lettre pour arriver à former des mots de plus en plus longs et complexes. 

Puis, le moment de la dictée arrivait et vlan! Nous faisions face à l’ennemie redoutée de plusieurs, l’orthographe. Une lettre oubliée ici, substituée là, ou imprudemment doublée plus loin et ça y était, la note finale de la dictée commençait dangereusement à ressembler à la bulle.


Là où certaines de nos fautes d’orthographe nous amenaient à écrire pin au lieu de pain, cœur pour chœur; mer pour mère; cou pour coup, ou encore chair pour chaire et sain pour saint, nous demeurions tout de même dans notre belle lexicographie française, n’en déplaise à nos enseignantes.

Et plutôt que de crier haro sur le pauvre élève qui erre, si on tournait lesdites erreurs en jeu. Et bien, c’est ce qu’un auteur jeunesse s’est amusé à faire en créant un abécédaire assez particulier, qu’il a d’ailleurs baptisé anti-abécédaire. Michaël Escoffier, dans son livre Sans le A – l’anti-abécédaire* joue avec les mots. Quand il retranche une lettre d’un mot, il en crée un autre dont le sens change complètement. Rigolo comme tout pour enseigner à un jeune à prendre conscience de l'orthographe et du sens des mots.

Rencontré à Paris la semaine dernière (mais non, je trouvais que ça sonnait bien en début de phrase… nous avons, en fait, échangé des courriels), l’auteur a bien voulu répondre à quelques-unes de mes questions sur ce qui l’a amené à créer cet ouvrage autant éducatif,  ludique, qu'humoristique, et qui ne s’adresse pas nécessairement aux plus petits.

Q- D'où vous est venue l'idée de cet anti-abécédaire?

R- « 
L'idée ne s'est pas imposée tout de suite. En fait, cela faisait longtemps que j'avais envie de travailler les mots comme une matière brute, de les démonter pour voir se qui se cachait dedans, de jouer avec eux en remplaçant des lettres ou des syllabes par d'autres. Mais beaucoup de choses ont déjà été faites dans ce domaine, et chaque fois que je trouvais une idée, je me rendais compte qu'elle avait déjà été utilisée dans un autre album. Puis un jour, en m'amusant avec le mot carotte, je me suis rendu compte qu'en enlevant le a, on obtenait une crotte. Au début, je ne pensais pas que je pourrais faire la même chose pour toutes les lettres, mais j'ai commencé à accumuler des mots, qui fonctionnaient plus ou moins bien. Et puis mon éditrice m'a poussé à retravailler ma liste de mots jusqu'à ce que ce soit parfait. »

Q- À quel groupe d'âge s'adresse-t-il?

R- « J'ignore à quel groupe d'âge s'adresse mon livre. En fait, je ne me pose pas la question. Quand j'écris un livre, j'aime en être le premier lecteur. C'est un peu mon privilège d'auteur. J'essaie donc d'y mettre des éléments qui vont me toucher en tant qu'adulte et ancien enfant. Bien sûr, les livres illustrés comme Sans le A (qui, en plus, est un abécédaire) sont vendus comme des livres pour enfants. Mais j'aime l'idée que le livre est un support d'échange entre l'adulte et l'enfant. Je crois que beaucoup d'adultes n'osent pas avouer qu'ils ont du plaisir à lire des livres « jeunesse ». En plus, les adultes qui découvrent Sans le A se prennent vite au jeu de chercher d'autres mots qui fonctionnent sur le même principe. Je reçois régulièrement des messages de lecteurs adultes me proposant de nouveaux mots pour un futur album. C'est sympa. »

Q-  Croyez-vous qu’il soit important de sensibiliser les jeunes à un français « correct » plutôt que de leur voir intégrer des mots en anglais dans leur langue?

R- « Sensibiliser les enfants à la langue française n'est pas pour moi une priorité. Ce qui me paraît essentiel est de leur donner le goût de la lecture, de l'écriture parce que c'est une clé indispensable pour se découvrir et découvrir les autres. Et cela peut être fait en empruntant des mots à différentes langues, ça ne me dérange pas. D'ailleurs, je suis en train de travailler sur une transcription de Sans le A en anglais, qui devrait sortir en 2014. »

Pour illustrer le propos de l’auteur, je vous cite quelques-unes de ses trouvailles :
 
sans le « b » bœuf fait l’œuf;
sans le « f », les moufles deviennent des moules;
sans le « h », les chouettes ont des couettes;
sans le « o », le gorille reste derrière la grille;
sans le « r », le marin a besoin d’un coup de main;
sans le « u », la mouche est moche.



Référence : Michaël Escoffier, Sans le A, l’anti-abécédaire, Éditions Kaléidoscope, 2012, 64 pages. Illustrations de Kris Di Giacomo.


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Devinette
Si on m'ôte une lettre, je reste le même.
Si on m'ôte deux lettres, je reste le même.
En fait, si on m’ôte toutes mes lettres, je reste toujours le même.
Qui suis-je?

Je vous souhaite un joyeux temps des Fêtes et une nouvelle année sous le signe de l'amour, du succès, le tout enrobé d'une bonne santé de fer, faire, ferre, ferrent... 


* Illustrations reproduites avec l'autorisation de l'auteur.

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