lundi 13 août 2012

Le plein, le pied, la couture et la clé



Non, ce n’est pas une fable inédite de Jean de la Fontaine… Même si en cette période préélectorale, on a parfois l’impression qu’on s’en fait raconter quelques-unes. Depuis deux semaines, les infos à la radio comme à la télé passent en revue les faits et gestes des chefs des partis en lice pour les élections. La campagne bat son plein. Selon les journalistes, analystes, commentateurs qui suivent les candidats et candidates pas à pas, plusieurs travaillent d’arrache-pied pour gagner des votes, souvent un à la fois. Peu importe l’issue du match électoral, certains candidats battront leurs adversaires à plate couture. Les perdants – dépités, enragés ou soulagés – quitteront peut-être la vie politique ou prendront la clé des champs.

Regard sur des expressions qu’on entend et qu’on utilise fréquemment sans nécessairement savoir d’où elles sortent.

Battre son plein
Cette expression qui signifie « atteindre son moment le plus intense » tire son origine du 19e siècle. Au sens propre, elle était liée à la marée qui, lorsqu’elle avait atteint son point le plus élevé, restait stable un moment avant de recommencer à descendre.  Au sens figuré, en raison de l’utilisation du verbe battre, certains ont donné à son plein la signification de sonorité pleine ou forte. En fait, il ne s’agit pas de l’adjectif mais bien du substantif plein, soit le niveau le plus haut, comme dans l’expression le « plein d’essence ».
Ainsi, quand on dit que la campagne électorale bat son plein, ce n’est pas qu’elle est bruyante (sauf lorsqu’on l’accompagne à la casserole) mais bien qu’elle est à son plus haut niveau d’intensité. 

D’arrache-pied
Travailler d’arrache-pied, c’est fournir un effort intense et soutenu. Cette expression remonterait à 1515 et aurait changé trois fois de signification depuis son apparition.
À l’époque, elle signifiait tout de suite et s’explique par le fait que la personne qui agit immédiatement s’arrache de son immobilité et arrache donc littéralement ses pieds du sol.
Plus tard, chez Rabelais (l’auteur de Pantagruel et Gargantua), elle a signifié sans arrêt ou sans relâche. C’est à la fin du 18e siècle qu’elle prend le sens qu’on lui connaît aujourd’hui.


Battre à plate couture
L’expression signifie vaincre ou battre complètement et de manière définitive. Elle existe depuis le 15e siècle mais on disait alors « rompre à plate couture ». À l’époque, les étoffes étaient épaisses et raides. Les coutures et ourlets ajoutaient donc une épaisseur et une raideur supplémentaires. Les tailleurs réussissaient à aplatir et à assouplir les épaisses coutures soit en les cousant une seconde fois, soit en les écrasant avec un gros fer à repasser, ou encore en les frappant vigoureusement à l’aide d’une latte. Cette opération consistait à « rabattre les coutures ».
Cette dernière opération a donné lieu à une transformation de l’expression au 16e siècle alors qu’on disait « rabattre la couture à quelqu’un » qui signifiait le frapper violemment.  Selon le linguiste et lexicographe Alain Rey (Le Petit Robert), « rompre » signifiait au figuré « abattre, démolir, enfoncer (une armée) » et « plat » provenait du verbe « aplatir » au sens de « vaincre totalement, écraser ».  Au fil du temps, rabattre et est devenu battre. C’est l’amalgame de ces significations, auxquelles s’est ajoutée l’opération du tailleur, qui a donné naissance à la locution plus moderne qu’on utilise aujourd’hui. 


Prendre la clé des champs
Tout le monde sait ce que le prisonnier fait quand il prend la clé des champs. Il s’évade, s’enfuit, se sauve, recouvre sa liberté.  Cette expression date du Moyen-Âge. Les « champs » signifiaient alors les grands espaces ouverts et représentaient l’indépendance, la liberté, la fuite hors de la cité.  La clé des champs est en fait l’orthographe erronée de l’expression la claie des champs. Une claie est un treillage qui servait de clôture ou de barrière entourant les parcs à bestiaux ou les propriétés.


2 commentaires:

  1. Toujours très instructif et agréable. Merci.

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    1. Merci. C'est toujours agréable de l'écrire aussi.

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